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Autour du Mont-Sainte-Odile, le Mur Païen

Les Impériaux s’emparent d’Obernai

28 Juin 2014 , Rédigé par PiP vélodidacte Publié dans #anecdote

Le roi Gustave Adolphe de Suède, entouré par le Justice et la Bravoure Dans un article du mois dernier, nous vous avons raconté le passage dévastateur de Ernest de Mansfeld en Alsace en 1622. Quelques années plus tard, en 1632, les Suédois prennent la Ville d’Obernai. Lors de l’occupation qui va suivre, un épisode étrange va rendre la ville aux troupes de l’empereur. C’est cette anecdote étonnante que nous relatons aujourd’hui. C’était la nuit du 20 novembre 1635. Complot, rebondissement, rien ne manque. On pourrait faire un film avec cette histoire.

Obernai après le passage de Mansfeld

Le roi Gustave Adolphe de Suède, entouré par le Justice et la Bravoure L’occupation de Mansfeld et de ses troupes ne dura que de quelques semaines. Le Magistrat de la Ville vit avec soulagement partir ces soudards qui pillaient caves et greniers. Il lui restait la tâche de payer l’immense rançon aux Protestants et à relever les murs de la Ville.

Et la Guerre de Trente ans ne faisait que commencer.
Voici les principales mesures alors menées à bien par Obernai :

  • Remboursement des dettes de guerre
  • Reconstruction des remparts sud, où Mansfeld avait ouvert deux brèches.
  • Abattage des arbres et des haies tout autour de la Ville, dans le cas probable d’un deuxième siège.
  • Destruction des vieux bastions distants et inutilisés qui avaient servi d’appui aux Protestants.
  • Recrutement de cinquante hommes d’armes
  • Achat de munitions et d’armes
  • Les derniers Protestants sont chassés de la Ville

Les combats entre les Impériaux et les Princes Protestants se sont déplacés vers la Belgique et les Pays-Bas. L’Alsace connaît une période de répit qui lui permet de se reconstruire, malgré la disette qui sévit, conséquence des ravages exercés par les troupes. Ce ‘calme’, bien relatif, va durer dix ans.

Les Suédois occupent Obernai – 1632

Alors que les Villes n’en peuvent plus de la lourde charge des garnisons impériales, un nouvel épisode de la Guerre de Trente Ans va ramener l’Alsace et Obernai au centre du conflit. Le Roi de Suède Gustave Adolphe rejoint les Etats de l’Union Protestante et écrase Tilly à Leipzig. Les portes de l’Alsace sont ouvertes aux Suédois.

 

Le roi Gustave Adolphe de Suède, entouré par la Prudence et la Bravoure

Le roi Gustave Adolphe de Suède, entouré par la Prudence et la Bravoure

Le maréchal Horn est chargé de prendre Colmar et Sélestat. Horn veut assurer ses arrières et décide de commencer par prendre Obernai et Benfeld. Appuyées par Strasbourg, protestante, les troupes suédoises se présentent devant les murs d’Obernai le 6 septembre 1632. La garnison impériale commandée par le baron de Metternich avait prudemment déserté les lieux à l’approche de l’ennemi. Après quelques coups de feu, le Magistrat, Bernhardt Gysz, au vu des forces en présence, réagit sagement et fait ouvrir les portes de la Ville.

‘ La garnison impériale d’Obernheim fit place aux Suédois, sans attendre leur venue. Les habitants voulurent faire les mauvais d’abord, et protestèrent qu’ils coucheraient de tout, plutôt que de recevoir garnison suédoise. Mais la venue de ces sarbacanes de bronze et le sifflement de quelques volées les adoucirent si fort, qu’ils furent contents de donner logement à Haubald et une rançon de 10.000 talers. Obernheim étant rangé, les troupes de Wirtemberg, assistées des Suédois, investirent Offenburg’.

Spanheim, cité par Schoepflin.

C’est le début d’une longue occupation pour Obernai. Cette période sous le joug suédois va durer dix-huit ans, à l’exception d’un intermède de huit mois. Nous allons vous narrer cet épisode étonnant : la reprise d’Obernai par les troupes Impériales. Voyons d’abord la situation générale.

La France intervient en Alsace - 1634

Le roi Gustave Adolphe de Suède, entouré par le Justice et la Bravoure Alors qu’ Obernai et son Magistrat se débattent contre les demandes et les réquisitions de l’occupant, les combats se sont déplacés en Bavière. Les Suédois sont écrasés à la bataille de Nördlingen et le Cardinal de Richelieu, qui s’était bien gardé d’intervenir dans l’Empire tant que les Suédois étaient vainqueurs, se décide à lancer ses troupes en Lorraine et en Alsace. La France dévoile ses visées expansionnistes en prenant le relais de la Suède en Alsace. Les troupes françaises entrent à Saverne, à Haguenau. Puis à Colmar, à Sélestat. Seules Benfeld et Obernai restent aux Suédois.
Ce partage effectué, les ‘alliés’ français et suédois doivent faire face aux troupes impériales commandées alors par le duc Charles de Lorraine, qui apprécie peu l’intervention de Richelieu sur ses terres. La situation est des plus indécise. L’Alsace est alors sillonnée en tous sens par les troupes françaises, suédoises et impériales. Les villes et les villages sont soumis à l’occupation incessante, à toutes les taxes et autres pressions imaginables.
Les troupes impériales du comte de Galas prennent Saverne et Wasselonne en octobre 1635.

La prise d’Obernai par les Impériaux le 20 novembre 1635

Le roi Gustave Adolphe de Suède, entouré par le Justice et la BravoureEt le 19 novembre, les bourgmestres d’Obernai reçoivent une lettre curieuse émanant du Marquis de Grana. Le marquis demandent aux Obernois de chasser la garnison suédoise afin de lui remettre la Ville. On imagine la perplexité des magistrats, qui sont certes catholiques et attachés à l’Empire, mais désarmés et bien incapables de se mesurer avec les soldats suédois. La surprise est complète lorsque le messager glisse une note confidentielle au Bourgmestre Philippe Esslinger : le capitaine Paul Buntz, natif d’Obernai, est déjà avec ses troupes à Bernardswiller, et Esslinger est sommé de lui ouvrir les portes de nuit pour surprendre les Suédois et gagner ainsi la Ville sans coup férir. Atterré, le Magistrat se rend discrètement à Bernardswiller pour rencontrer Paul Buntz qui lui dévoile le détail de son plan.
Nos lecteurs assidus se souviennent que l’ Ehn traversait alors la Ville d’Obernai et qu’elle entrait et sortait des remparts par deux fortifications appelées les ‘Swal’, cernées et tours et pourvues de herses. Selon le plan de Buntz, le soir même, les Obernois doivent laisser la herse du Swal supérieur levée. Ainsi Buntz et ses hommes pourront surprendre la garnison endormie.
Philippe Esslinger est consterné par ce projet qu’il juge dangereux et fort risqué. Le greffier de la Ville, Sébastien Frey, serait plus enclin à aider les Impériaux qu’il a secrètement fait approvisionner en vivres. Malgré le refus du Bourgmestre, l’opération est maintenue par Buntz. La nuit même, à minuit, il se présente au swal, la herse est bien levée. Mais un bourgeois qui passait sur le rempart, non informé du complot en cours, juge cette position impropre et coupe la corde. La herse tombe devant Buntz et ses hommes ! Décidés à mener leur mission à bien, les impériaux franchiront le mur du faubourg sur une échelle. Buntz et ses hommes sont dans le faubourg. Il leur reste à effectuer le plus difficile, traverser l’enceinte principale de la Ville. L’alerte est donnée. La partie est loin d’être gagnée. Devant les soldats impériaux se dresse la lourde silhouette des deux portes de l’Obertor, avec sa herse et ses ponts-levis.
Le roi Gustave Adolphe de Suède, entouré par le Justice et la BravourePour donner une idée de l’importance des défenses : les deux portes de l’Obertor mesuraient respectivement 36 et 40 pieds, soit 11,7 et 13 mètres de hauteur. Le rempart était haut de 10 mètres en moyenne. Les deux fossés étaient en eau. Les tours les plus proches de la porte atteignaient 18 pieds pour l’enceinte extérieure et 36 pour l’enceinte intérieure.
C’est alors que le lieutenant suédois Jean Teller a une réaction pour le moins inattendue. Peu au fait de la situation, dans l’obscurité, il semble s’affoler et ne pas se rendre compte qu’il est en position de force, sur les remparts, devant les quelques hommes de Paul Buntz. Le lieutenant Teller négocie et Buntz doit se montrer particulièrement habile. Se croyant devant une armée entière, Teller fait ouvrir les portes aux Impériaux ! Obernai est libérée des Suédois par ce coup de main rocambolesque.
Les détails de cette opération, que d’aucun qualifierait de ‘abracadabrantesque’, sont donnés par Joseph Gyss dans son Histoire d’Obernai.

Les conséquences

Le roi Gustave Adolphe de Suède, entouré par le Justice et la Bravoure Dans un premier temps, le succès des Impériaux du Comte de Galas se poursuit dans l’Alsace du Nord. Saverne et Dachstein reviennent à l’Empire.
Obernai ‘libérée’, en place de subir l’occupation des troupes suédoises, endurera la présence des soldats impériaux. Avait-elle vraiment gagné au change ? La disette continue de sévir et le poids d’une garnison est terrible pour la population. La Ville est rançonnée par les nouveaux maîtres, comme elle l’était par les anciens. Les bourgmestres seront même menacés et séquestrés plusieurs jours, sans nourriture, dans la salle du Conseil.
Les mois passent. La Guerre de Trente Ans continue. La puissance des armées royales françaises commence à peser fortement aux côtés des Suédois. Ce retournement de situation sera fatal pour Obernai qui subira quelques mois plus tard un nouveau siège en juin 1636, terrible et dévastateur.

Mais ceci est une autre histoire…. ( à suivre )

Sources
  • P. Chemnitz, Königlich Schwedischer in Teutschland geführter Krieg, 1648
  • J. Gyss, Histoire de la Ville d’ Obernai, 1866
  • L. Maurer, Etat des enceintes fortifiées d’Obernai en 1782, SHABDO 1975
Illustrations
  • Photographies des remparts d’Obernai, ElJ, FrP et PiP
  • Le roi Gustave Adolphe de Suède, monographie tirée du livre de P.Chemnitz
  • Schéma du coup de main de Paul Butz, PiP
  • La porte de l’Eglise, Kirchtor, dessin de Engelhardt, 1825

Retrouvez la description des Remparts d’Obernai sur notre site ( cliquez sur le lien )
Et puis, sur votre vélo, allez admirer ceux de Boersch, avec leurs trois portes toujours en place.

 

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C
Quelle époque ! pauvres gens, pauvres villes et villages...malheureusement cela continue, pas chez nous...
Répondre
P
et l'anecdote, tu n'as pas aimé l'anecdote ! la herse qui retombe devant les conjurés. Moi, je trouve çà amusant.