Escapade au château d’Eltz, près de la Moselle

Le château d’ Eltz est situé, en Allemagne, à quelques kilomètres de la vallée de la Moselle, non loin de Coblence. Méconnu en France, il figure parmi les forteresses les plus visitées d’Allemagne. Et pour cause ! Ce château fort, directement issu du haut moyen âge, nous est parvenu, presque inchangé. Marchez vers le château, vous franchissez une dizaine de siècles. Etonnant, magnifique, Eltz mérite le voyage !

En 1157, quatre ans après sa visite au Mont Sainte Odile, une dotation de l’empereur Frédéric Barberousse laisse apparaître, en tant que témoin de l’acte, ‘Rudolphus de Elze’. Nos lecteurs feront naturellement le parallèle avec la chartre de Saint Gorgon, co-signée, en 1178, par les frères ‘Theodoricus de Rupe, et frater ejus Burcardus, castellani’. Le château d’Eltz est contemporain du premier des châteaux de Dreistein, lors de la splendeur de Frédéric Barberousse de Hohenstaufen. Le donjon d’Eltz, ainsi que le logis roman, date de cette époque.
Le château est construit sur une boucle de l’Eltz, petite rivière profondément encaissée que le burg domine de 70 mètres environ. Il épouse élégamment la forme du rocher.
Comme beaucoup de burgs de l’époque, Eltz est rapidement partagé lors des successions. Dés 1268, trois frères se partagent le site. On distingue, encore aujourd’hui, le Eltz des Lions d’Or, celui des Lions d’Argent et celui des Cornes de Buffle. Les seigneurs d’ Eltz sont alors les protecteurs de l’importante abbaye de Maifeld, toute proche. Les tombeaux des Eltz sont toujours visibles dans la nef de l’ abbatiale de Maifeldmünster.
Lors des conflits de 1331-1336 contre l’archevêque de Trèves, le château est assiégé. C’est lors de ce siège que le château, aujourd’hui ruiné, de Truteltz est construit, au dessus du burg principal.
Le château traverse alors les siècles sans être inquiété. La famille d’Eltz compte même un archevêque parmi les siens : Jakob von Eltz, archevêque de Trèves en 1567.

La plupart des châteaux mosellans ont été détruits par les français lors de la guerre de succession du Palatinat (1688). Si Eltz n’a pas connu ce sort, c’est simplement qu’ Anton d’Eltz s’était rangé du côté des plus forts ! Il combattait, officier, au sein des troupes de Louis XIV.
Aujourd’hui encore, les comtes d’Eltz sont les propriétaires du château.

Contemporain du Dreistein et du Landsberg, le château d’Eltz a traversé les âges. Certes, les différentes générations ont voulu agrandir, embellir leur demeure. Cependant, en vous promenant autour et dans Eltz, vous êtes proches de nos châteaux d’antan.
Au Stein, vous voyez quelques corbeaux. A Eltz, les bretèches sont toujours présentes.
Nos ruines vosgiennes ne présentent le plus souvent que les parties hautes du château, à Eltz, l’ensemble des fortifications ont gardé leur volume et leur vie.
Les murs de nos burgs ne portent plus les superbes toitures et l’envol des parties hautes des vieux burgs. A Eltz, toitures, poivrières, barbacanes et bretèches semblent vivantes !
Si les parties hautes portent des colombages qui datent plutôt du XVI ou du XVIIème siècle, et sont un rien éloignées du château primitif, n’oublions pas que le Haut Andlau portait lui aussi, un temps, ce type de structures.

Le Haut-Koenigsbourg donne ,certes, une superbe idée de nos châteaux d’antan. La reconstitution est de qualité. Mais l’ambiance, les couleurs d’Eltz sont toutes autres, allez-y !

La plupart des châteaux voisins sont de superbes ruines qui dominent le paysage fort sympathique de la vallée de la Moselle et de son vignoble. Citons les principaux :

• Marienburg, aujourd’hui centre de formation, admirablement situé dans une boucle de la Moselle.
• Arras, un rien retiré, perdu. (site privé).
• Metternich, au dessus de la petite ville médiévale de Beilstein
• Cochem, la perle de la Moselle
• Pyrmont et Bischofstein, les deux châteaux voisins de Eltz
• Ehrenburg, ruine colossale, longtemps alliée aux seigneurs de Eltz

Nos burgs vosgiens sont magnifiques. Retirés, perdus dans la forêt profonde, ils sont emprunts de nostalgie et de romantisme. Les vieilles légendes des chevaliers brigands, des sièges et des combats dantesques viennent assaillir l’esprit des visiteurs… Des lieux de rêves, inoubliables ! Une solitude et un calme serein.
Passez la frontière allemande et tout est changé !
La mise en valeur est différente ! Les châteaux sont restaurés, ils abritent le plus souvent une auberge, parfois un musée. L’atmosphère des visites se trouve transformée, l’ambiance est différente. Les visiteurs sont nombreux. Qu’ils soient attirés par la beauté des ruines, ou par la tarte aux myrtilles, ils viennent en nombre. Leur écot permet de sécuriser et d’embellir les lieux. La présence continue d’activités permet d’éviter les déprédations sur les sites.
Loin de mon esprit de vouloir trancher entre ces deux modèles : les associations de bénévoles en France et une vision plus économique en Allemagne. Je ne souhaite pas plus que vous voir nos ruines envahies de panneaux publicitaires à la gloire de sociétés étasuniennes. Non !
Cependant, le Haut-Koenigsbourg et le Haut-Barr ont franchi le pas, voilà longtemps, sans tomber dans l’excès et le mauvais goût. Les journées médiévales organisées au Spesbourg ou ailleurs connaissent chaque année plus de succès. Il doit être possible, en respectant les lieux, de mettre en valeur nos châteaux pour la joie des petits et des grands.
N’y a t il pas là un sujet de réflexion, et une voie à explorer pour sauver les burgs les plus menacés ?

Pour avoir une idée précise de la beauté passée de nos châteaux, reportez vous au livre de Christophe Carmona qui présente de belles reconstitutions, fort réalistes, de nos ruines alsaciennes.
C. Carmona, Châteaux Forts d’Alsace, hier et aujourd’hui, 2013

• Photographies, PiP et GaD
• Armoiries des Comtes d’ Eltz
• Schéma de situation des burgs mosellans, PiP