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Autour du Mont-Sainte-Odile, le Mur Païen

Qui était Amaleq ? (Hortus Deliciarum)

16 Novembre 2016 , Rédigé par PiP vélodidacte Publié dans #personnage

En 1818 Engelhardt rédige son analyse de l’ Hortus Deliciarum, une cinquantaine d’années avant la disparition du manuscrit lors de l’incendie de la Bibliothèque de Strasbourg. Il reproduit quelques unes des plus belles aquarelles d’ Herrade de Landsberg sur calque. Voici une des plus populaires de ces images : le combat de Josué contre Amaleq.
Qui était Amaleq ? (Hortus Deliciarum)

Le roi Amaleq

Il nous faut replonger dans les premiers versets de la Genèse pour retrouver  ce prénom, aujourd’hui oublié.
Isaac a deux fils, Jacob et Esaü. De Jacob et de son fils Joseph, naîtront les Juifs d’ Egypte, dont l’histoire est largement racontée dans la Bible. Esaü, lui, s’est installé avec sa famille près de la Mer Morte. Il a deux fils, Elifaz et Reouel.   Amaleq est le fils qu’Elifaz a eu avec sa concubine Timna. (Gen. 36,9-12). Il est donc le petit-fils d’ Esaü, né hors mariage, certes, mais petit-fils d’ Esaü, malgré tout..
Les Juifs quittent l’ Egypte sous la conduite de Moïse. Après l’épisode de la traversée de la Mer Rouge et avant d’atteindre le Mont Sinaï, les Juifs établissent leur campement à Refidim. Ce lieu semble inhospitalier, il manque d’eau et Moïse fait sourdre un rocher, en le frappant du bâton de Dieu ! Et c’est là qu’ils sont attaqués par ‘le roi Amaleq’. Nous ne saurions dire s’il s’agit du même personnage que dans la Genèse ou d’un homonyme. Quoiqu’il en soit, voici, tiré de l’ Exode, le récit de la bataille de Refidim.

Amaleq vient et fait la guerre contre Israël à Refidim. Moïse dit à Josué : Choisis nous des hommes et sors, fais la guerre contre Amaleq. Demain, moi, je serai posté au sommet de la colline, le bâton de Dieu dans ma main. Josué fait comme Moïse lui dit pour faire la guerre contre Amaleq, et Moïse, Aaron et Hour montent sur le sommet de la colline. Et aussi longtemps que Moïse lève la main, Israël l’emporte, et quand il baisse sa main, Amaleq l’emporte. Mais les mains de Moïse sont lourdes, alors ils prennent une pierre et ils la mettent sous lui, il s’y assied, pendant qu’Aaron et Hour soutiennent ses mains, l’un d’un côté, l’autre de l’autre, et ses mains restent solides jusqu’au soleil couché, quand Josué défait Amaleq et son peuple par la force de l’épée. Yhwh dit à Moïse : Ecris cela en mémoire dans un livre, et mets le dans les oreilles de Josué, parce que j’effacerai la mémoire d’Amaleq de dessous les cieux. Moïse bâtit un autel, et l’appelle d’un nom Yhwh-est-ma-bannière.’
Exode 17,8-16

La bataille de Refidim, selon Herrade de Landsberg

Qui était Amaleq ? (Hortus Deliciarum) Herrade consacre deux images à cette première bataille menée par les Juifs après leur sortie d’Egypte. Comme nous, l’abbesse de Sainte-Odile a été frappée par la façon, étonnante, dont fut fixé le sort des armes. Dieu n’accorde la victoire aux siens que si les mains de Moïse sont levées vers le ciel ! Moïse s’assied donc sur une pierre pour éviter la fatigue ; Aaron et Hour sont chargés de lui maintenir les bras en hauteur. Bigre ! Tactique et stratégie ont bien évolué depuis ce temps ! L’efficacité ne semble plus garantie de nos jours.
Mais revenons à la bataille elle-même.
C’est Josué, fils de Hour qui emmène les troupes d’Israël. Comme à son habitude, Herrade a transposé dans son siècle ce combat de nomades du désert égyptien. La bataille de Refidim devient une joute de chevaliers de moyen âge à la fin du douzième siècle. A gauche, Josué mène la charge. De son épée, il frappe Amaleq dont l’écu est déjà fendu. A sa droite, un chevalier perce de sa lance le bouclier de son adversaire. Le ‘roi’ Amaleq porte une couronne digne des empereurs Hohenstaufen. Sous les pattes des lourds chevaux de combat, un cheval et un homme, ensanglantés, gisent déjà sur le sol. Le sort de la bataille ne fait plus de doute.
Qui était Amaleq ? (Hortus Deliciarum)
L’ aquarelle d’Herrade est l’occasion d’étudier l’équipement des chevaliers de l’époque.
Josué, Amaleq et leurs compagnons sont vêtus du haubert, cette longue cote de mailles couvrant le torse, les membres, le cou et la tête. C’est alors, à cause de son prix, la protection des chevaliers les plus argentés ! Les soldats pauvres n’avaient que vêtements de cuir, renforcées de lames de fer. Les armures ne feront leur apparition qu’un siècle plus tard. Le casque, appelé heaume, est conique, bombé ; il laisse apparaître le visage, seul le nez est protégé.
Le cavalier se cache derrière un écu allongé, vaste, en forme d’amande. Il attaque soit avec une épée, plutôt large, arme de taille, soit avec une forte lance, lourde, adaptée au choc des chevaux lancés au galop. Les destriers ne sont guère protégés.
Nous vous proposons, tirées du livre de Joseph-Frédéric Fino, deux illustrations représentant des chevaliers presque contemporains d’Herrade : Arthur de Bretagne et Roger Bernard de Foix. Comme vous le voyez, Herrade était fort bien documentée !
Qui était Amaleq ? (Hortus Deliciarum)

Le combat des chevaliers, frise de l’abbatiale d’Andlau

Pour terminer en beauté, il vous faut vous rendre à Andlau et lever les yeux vers la frise de l’abbatiale. Au dessus du portail ouest, si finement décoré, vous trouvez deux panneaux retraçant le combat équestre de deux chevaliers. Ces sculptures furent réalisées à l’instigation de l’abbesse Hadewitz, à partir de 1130. Le combat se déroule donc quelques dizaines d’années avant qu’ Herrade ne dessine l’Hortus.
Qui était Amaleq ? (Hortus Deliciarum) Le Maître d’Andlau connaît les mêmes chevaliers et les mêmes armements que l’abbesse de Hohenburg. Le protagonistes ont lancés leurs chevaux au galop. Ils s’affrontent armés des lourdes lances, et leurs chevaux ne sont pas protégés. Les harnachements sont similaires. Revêtus du même haubert, ils se protègent avec le même écu allongé.
A l’encontre de l’Hortus, les cavaliers sont seuls, il s’agit peut-être d’un duel lors d’un tournoi. Comme sur le dessin d’Herrade, les écus ne sont pas armoriés. Gageons que le champion des Andlau affronte un Rathsamhausen. Mais qui va l’emporter ?…

Note pour nos amis musulmans

L’exil des Juifs d’Egypte est rapporté dans le Coran dans la Sourate 17, dite le Trajet Nocturne. Les plaies qui frappent Pharaon sont analogues à celles racontées par la Bible. Moïse est appelé Moussa, c’est un prophète de l’Islam. Si le passage de la Mer Rouge est évoqué, le Coran ne parle pas du roi Amaleq. Josué n’est pas plus cité dans les versets. Certains exégètes l’identifient cependant au ‘disciple’ de Moussa qui converse avec lui dans la Sourate 18 (La Caverne) - Verset 60. Ils lui donnent pour nom Yūshaʿ ibn Nūn, Josué fils de Houn (يوشع بن نون.)

Illustrations
  • Claque d’Engelhardt, 1818
  • Aquarelles en couleur, Claudia Tisserant-Maurer, dans l’Hortus de monsieur Christen
  • Ecus d’Arthur de Bretagne et Roger Bernard de Foix, tirés du livre de monsieur Fino
  • Photographie fresque d’Andlau, LiD
Sources
  • La Bible, Traduction proposée par Frédéric Boyer
  • Le Coran, Essai de traduction par Jacques Berque
  • Hortus Deliciarum, fascicule des éditions Braun, 1945
  • Armes et Armées du Moyen Age, Joseph-Frédéric Fino, 1964
  • Hortus Deliciarum, Auguste Christen, 1990
  • Hortus Deliciarum, Jean-Claude Wey, 2009
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Commenter cet article
C
Je reste coi... oui belles aquarelles et sculptures, amusante l'histoire des mains !
Répondre
G
Il est vrai que le chanoine Auguste Christen avec l'aide de Mme Tisserand (artiste remarquable) a fait un travail de reconstitution exceptionnel de l'Hortus Deliciarum...
Répondre
P
Certes, mais c'est surtout Herrade qui était remarquable et exceptionnelle !